Qui sont ces gens qui osent affronter la trace de la French Divide 2018 ?
Parmi eux il y a le duo de choc, Sophie et Alfredo, qui vivent à fond l’instant présent et qui pédalent toujours où le vent les mènent. Et cette année le coq au dessus de leur girouette a pointé vers la French Divide. Une première grande aventure pour eux… Sophie vous raconte tout ça :
→ Pouvez-vous vous présenter rapidement ?
On va tenter d’aller à l’essentiel,
Lui c’est l’homme sans qui je ne serai pas là :
Alfredo Betancourt-Monzó, 51 ans, Cubain de son état, citoyen du Monde, globe trotter dont les pit stop plus ou moins longs ont été le Brésil (Brasilia), les USA (Miami), La Belgique (Bruxelles), L’Espagne (El Campello), La France (Paris, Strasbourg, Saint Louis puis Ranspach sur cambrousse depuis une dizaine d’années…), Photographe depuis toujours par passion, papa à plein temps at home et quand il y a ouverture dans le planning, sur son Bike avec son appareil photo.
Moi c’est celle qui admire sa sérénité devant mes bouffées de chaleur :
Sophie Betancourt-Lemoine, 47 ans, french, née à Strasbourg mais dont les origines sont multiples, un papa alsaco-polonais, une grand-mère suédoise et un grand père russe. Même histoire, provient de partout où le vent m’a mené. Cameraman de formation, montage et cie, passée par Arte, secrétaire dans une agence immobilière paumée, standardiste, serveuse, plongeuse, et j’en passe j’ai fini coach sportif depuis maintenant 10 ans, à mon compte, histoire d’être libre et parce que le sport, et la liberté qui en découle si on le décline comme son ventre le dicte, est juste ma/notre façon d’exister et d’envoyer se faire voir les règles d’une société à laquelle nous avons toujours eu l’impression de ne pas appartenir.
Nous nous sommes rencontrés à La Havane en 1999, il démontait une expo photos, je faisais un reportage sur la liberté d’expression à Cuba – FLASH. On ne s’est plus jamais quittés j’ai tout lâché et me suis installée à Cuba pour 3 ans.
Et puis retour en France pour accoucher de notre première fille Camila, en 2003 à Strasbourg.
10 mois plus tard on s’installait en Espagne, Lua y est née en 2005 puis nous sommes rentrés en Alsace en 2007 où nous vivons depuis.
“Nous n’allons pas délibérément à contre-sens par rebellion, nous sommes à contre-sens par défaut.”
Nous tentons de conjuguer avec cette incapacité viscérale d’entrer dans le moule, avec le temps et “l’âge” on y arrive bien 🙂
Quelles que furent les difficultés qui vont avec une vie faite d’imprévus, le regard de ceux qui nous pensent irresponsables et “baba cool” nous avons toujours eu ceci que peu ont : Une union sans faille entre nous 4, un système D (des parents loins) et une joie de vivre gravée dans nos disques durs respectifs de naissance… on a qu’une vie, il n’y a pas de problèmes il n’y a que des solutions, ici et maintenant –
Lua est Dyslexique sévère, ce n’est pas toujours simple, ses dons artistiques sont immenses et surprenant mais ne collent pas avec le moule, no pb, elle ne sera pas un mouton dans la chaine de production.
Camila est tombée gravement malade il y a 3 ans et demi, un cancer grave, orphelin et dont la particularité est de rechuter. On se bat tous ensemble, elle “va bien”, après une seconde rechute en février dernier, elle passera en greffe de moëlle osseuse mi septembre. Ce sera la bonne 🙂
→ Quels rouleurs êtes vous ?
Alfredo a une experience de rouleur plus ancienne que la mienne, il a toujours été passionné par le vélo mais dans son pays, on l’a entrainé comme nageur à Haut niveau. Politique et potentiel obligent.
Pour lui le vélo n’a jamais été juste un moyen de chercher le pain mais une liberté de mouvement infinie. Il y a eu une pause dans cette passion pour plein de raisons puis il s’est offert son premier “vrai bike ” il y a deux ans et demi, un Giant Roam dit hybride, plutôt un gravel de base avec lequel il est parti seul faire le chemin de Saint Jacques de Compostelle pour Camila, pour lui aussi, c’est là qu’il a découvert le bike packing, a découvert la liberté et le vent dans la barbe, et qu’il a cherché à être le plus light possible, il avait mis les pieds sur les pédales pour ne plus les quitter. L’esprit Baroudeur endormi s’est révélé sur ce premier voyage comme une evidence –
Il est rapidement passé à ce que nos finances nous permettaient, un Kona Unit 2016 tout rigide et encore en single speed à cette époque 🙂
Avant de rouler, je grimpais, escalade – treks longs aussi, la montagne est un élément qui me transperce. Puis la course à pied, trails, marathons, officiels pour soutenir des associations de lutte contre les cancers infantiles, puis en solo, je n’aime pas les médailles, les dossards, les récompenses, les pistards et les villes qui doivent être vues, je n’aime pas les “j’ai fait” –
Il y a un peu plus d’an j’ai fini par lâcher mes shoes de running pour le suivre, mon premier vélo un VTT Bergamont semi rigide, début difficiles, notamment en Ardéche – (pour la petite histoire je ne vois parfaitement que d’un oeil, il a fallu vaincre l’appréhension de la perspective et de la vitesse en descente sur tous terrains, affaire vite réglée 😉 ) Au final je ne cours plus que très peu, j’ai un Kona, le même que Alf et rouler est devenu une vraie passion qui tourne en besoin essentiel.
Nous sommes des baroudeurs, des campeurs, des rois de l’improvisation. Lolek et Bolek, soudés sur les chemins, de préférence de traverses, la nature sauvage est notre domaine et partir à l’aventure une excitation infantile sans nom.
Pas trop roadies même si l’idée de se taper du long en blindant nous titille, nous resterons sur un esprit de voyageurs. Le plus léger possible. Jamais plus heureux que de se retrouver dans un bivy paumés au milieu d’un champ 🙂
“Une course faite de coeur et de sueur, d’âme et de (bonnes) douleurs, de sourires et de larmes vite effacées par le plaisir d’être allés au bout.”
→ Pourquoi votre inscription à la French Divide ?
Pour le chemin de Saint Jacques de Compostelle, Alfredo refusant totalement de rouler chargé comme une mule, s’est mis à chercher des infos sur le bike packing.
C’est là qu’il est tombé sur un forum américain de bike packing et sur les courses relatives à cette façon de rouler, Tour Divide, TCR, Trans America… et sur tous ces personnages incroyables, aussi aventuriers que décalés, Mike Hall, Jay Petervary, Josh Ibett, Laël Wilcox, Jesse Carlsson, Kristof Allegaert, et notre Samuel local !
Et là il a crié “Sophiiiiiiiiiiiiie regarde !!! Il y a un gars incroyable qui s’appelle Samuel…” il m’a montré plusieurs vidéos où le sourire de Sam est comme un soleil flanqué sur sa tronche, un truc communicatif et évident, à l’époque c’était une vidéo sur la TCR puis on a suivi ses aventures, ses idées, celle de monter une course ici en France avec l’aide des communes, Alfredo s’était mis en contact avec lui pour lui proposer de faire des photos et plus les choses avancaient plus on voyait comment ce qui émanait de lui et de sa façon de penser, plus on s’est reconnus dans cette course, une course faite de coeur et de sueur, d’âme et de (bonnes) douleurs, de sourires et de larmes vite effacées par le plaisir d’être allés au bout, kilomètre après kilomètre de ce défi qui nous touche… une aventure humaine qui sera notre première course.
→ Quelle est votre experience dans le bike packing ?
Assez simplement, une première pour Alf sur le chemin de Saint Jacques, un peu trop chargé, puis entre Bruxelles et chez nous en ultra light, au fur et à mesure de nos sorties nous nous sommes equipés en observant la façon de faire de ces coureurs que nous admirons, pour arriver, nous l’espérons, au minimalisme le plus total, on a pas besoin de grand chose quand on trace.
De mon côté j’ai roulé à vide longtemps, j’ai une experience assez longue du back packing en trek plus de 25 ans de marche en fait…. sur un vélo, à mon actif, 3 jours sur les traces de la GTB et 5 jours sur les chemins chaotiques Suisses dont nous venons de rentrer. Pour nous marcher en montagne des semaines durant et bivouaquer n’est pas si loin de ce que nous expérimentons à vélo, à la différence près que rouler chargé me paraît aujourd’hui plus “facile” que de marcher en trimbalant le matos de grimpette alpine, même si j’adore ça, mais le principe reste le même 🙂
“N’être qu’à cet instant T exactement.”
→ La communauté et les événements d’ultra-cycling se développent de plus en plus, à votre avis pourquoi ?
On ose espérer que c’est la suite logique d’une prise de conscience générale quant au fait de se rapprocher de l’essentiel, une façon de participer à une course en réduisant l’assistance, en autonomie totale et en faisant quelque chose d’extraordinaire consiste à se dépasser à tous les niveaux, gérer ses capacités à être à la fois indépendant et à la fois alerte aux autres, apprendre à gérer cette liberté d’action tout en étant dans une seule et unique préoccupation: Arriver d’un point A à un point B coûte que coûte, au delà des difficultés, les surmonter et apprécier ce fait de ne pouvoir Être que à cet instant T très exactement, ni avant ni après (bon, ne pas oublier de gérer ses ravitos et ses repos necessite un plan lol ) mais ceci dit je pense que l’on aspire de plus en plus à la Liberté et ce type de courses offre cette possibilité.
Il y a évidemment un phénomène de mode et d’autres qui sont commerciaux mais comment faire autrement ?
C’est une nouvelle ère avec de nouveaux fous même si Christophe Colomb l’avait fait bien avant nous 😉
→ Quel est votre meilleur souvenir à vélo?
Pour Alfredo, L’arrivée à la “Cruz de Ferro” à 1504 m d’altitude après une montée phénomenale seul, dans la Brume, après un effort sans nom sur le chemin de Saint Jacques. La vision de cette croix, personne, juste lui et les éléments et puis la descente folle vers Molinaseca, on touche au Divin…
Pour Moi, il y a quatre jours quand à 2h du matin je me suis rendue compte qu’après 175 kilomètres je ne sentais plus aucune douleurs et que rien n’aurait pu m’empêcher de continuer, cette envie de ne pas s’arrêter, la première fois où j’ai enfin senti réellement que je faisais corps avec mon vélo et avec moi-même, l’extase…..
→ Comment vous entrainez-vous pour la FD 2018 ?
On s’est mis aux patins à roulettes à fond !
Non sans blagues, Depuis cet hiver on enchaîne les sorties par tout temps, en toutes conditions, en variant distances longues sur terrains roulants, distances plus courtes sur gros denivelés. Jusqu’au printemps pas de sorties sur plusieurs jours, on a attendu mai pour commencer à tester le materiel de bivouac et le choix entre toile de tente et bivy. Le choix est fait. Bivy, de manière evidente, en ce qui nous concerne, après de longues journées à tracer aucune envie de planter la toile, une couverture de survie pour isoler, le sac et les bivys sont du 5 étoiles, on est du genre à ne pas avoir besoin de beaucoup de confort, s’allonger est déjà un pied dans le sommeil.
Nous avons pris le temps de tester différents types de pneus, dimensions, accroche, changements de poste de pilotage et de type de packing, pour le moment il reste à faire des choix assez simples pour réduire le poids global pour arriver à 18 kg qui seraient idéaux au total, sachant qu’il y a des chances qu’on soit sur les 20.
Sinon depuis deux mois cumuler un maximum de kilomètres, au minimum 130 par sortie…
Courir une vingtaine de bornes une fois par semaine pour moi (Alfredo n’aime pas la course)
“Nos filles sont nos meilleures coachs.”
Notre situation est un peu particulière, notre fille de 15 ans Camila supporte bien ses traitements et est protégée par son garde du coeur (il a 18 ans et vit chez nous depuis pratiquement un an ), elle et sa soeur de 13 ans sont des têtes de mules et nos meilleurs coachs, au début partir quelques jours était difficile pour moi, au final ce sont elles qui font la tête si on ne part pas s’entrainer, donc voilà, la Bretagne, L’Alsace de long en large et en travers où les terrains de jeux sont infinis, La Suisse puis à venir jusqu’à fin juillet le Jura et la région Suisse de Grindelwald….:)
Un projet solidaire aussi …qui a eu lieu sur 2 jours en avril dernier, assez singulier, nous avons suivi un ami marathonien sur les 172 km de la Route des vins d’Alsace, il courait nous étions ses gardes du corps, kinés et porteurs à vélo: “La Traversée de l’espoir” contre les cancers pédiatriques et pour l’Association Fédération Leucémie espoir, soit 46h de course et de selle non stop entre Marlenheim et Than à une moyenne de 8km/h une épreuve mentale et humaine unique-
→ Quel vélo utilisez vous pour la FD 2018 ? Pourquoi ? Avez-vous de bon accessoires à conseiller ?
On roule tous les deux en Kona Unit tout rigide (single speed d’origine) sur lesquels nous avons monté une transmission mono plateau 1 X11 Shimano XT, frein à disques mécaniques, selles WTB, roues 29, pneus Ardent race 2.35 avant 2.25 arrière, pour l’instant encore en test , le choix se fera plus avant ….
Oui, le système de portage waterproof de Freeparable avec points de fixation de fourche pour Gorilla cage, idem en fixation gorilla cage pour les gourdes, simple, résistant, polyvalent et léger.
Sacoches fabriquées par Lucy Rusjan, fantastiques, super contenance, légères, waterproof et simple à installer sur nos guidons ( un alternatif pour Alf, guidon droit pour moi)
Kona parce que c’est la Volvo du vélo, pour le moment le Kona s’adapte parfaitement à ce que nous lui faisons endurer, certains y verrons un tracteur mais sa résistance est indéniable, un pur VTT pour éviter au maximum de pousser et faire en sorte de passer la plupart des terrains 🙂
Moi je suis une fétichiste des élastiques à boules heavy duty, de ceux qu’on trouve dans les jardineries côtés gros travaux pour attacher les bâches ! J’attache tout avec ça, ma veste sur mon guidon tout en roulant pour ne pas m’arrêter, les casses dalle pour le trajet, le téléphone sur les prolongateurs si le scratch lâche etc … bref sans je suis perdue…. ! :))) ( Alfredo se fout de moi mais n’empêche qu’il est proche de la conversion lol)
“NOK et CICALFATE !”
→ Quel votre ton meilleur conseil pour les autres participants ?
HAVE FUN !
ENJOY !
Quand ça va mal, dis-toi que ça ne peut que passer, et je confirme, ça passe… ne pense jamais à l’arrivée, sois dans le moment, on a tous des compteurs mais arrêter de les regarder, trouver son rythme et le maintenir te mets dans un état de plénitude, roule, avance, profite, respire…. Arrête toi si tu en as besoin, souffle et repars, on a rien a perdre on a tout à gagner, mais ne perds pas de vue que c’est une course, s’arrêter ce n’est pas anodin, le temps passe vite et le retard stresse….
Garde ton objectif en ligne de mire, chacun le sien. Pour nous ce sera de finir cette course et de ne pas douter même dans les moments difficiles, parfois on craque et c’est une délivrance, ça dure 10 min et ça repart, have a break, et ça repart…tellement plus léger !
Bref…. positiver, c’est une aventure ce n’est pas un chemin de croix !
Et : BOIRE !!!!!!!
Ah oui ! NOK et CICALFATE 😉
→ Avez-vous des sponsors ?
Pour la FD specifiquement, Freeparable nous a sponsorisé pour les portages et fixations, mais nous avons été soutenus sur d’autres projets par Lucy Rusjan ( Rusjanbag.com) et Pavel ( Bikepack.pl) pour les sacoches et les sacs de selles sur le chemin de Saint Jacques, par Robens.de pour le matériel de bivouac sur le projet Suisse et Jurassien et Decathlon pour les vêtements de pluie sur le projet ” La Traversée de l’Espoir” en avril dernier.
Merci à tous les deux d’avoir pris le temps de répondre à nos questions.
On se voit très très vite ! À bientôt !!